La « spécificité » du Saint-Empire
Le séminaire aborde, dans le souci constant d’articuler les cas locaux et les problèmes généraux, la fabrique concrète du droit, de l’espace et des appartenances sous l’angle de leurs interférences avec les pratiques de l’État. Le séminaire privilégie une aire – le Saint-Empire à l’époque moderne – où aucun de ces termes ne va de soi : sources et instances concurrentes du droit, fragmentation territoriale de l’espace, diversité sociale, spatiale et confessionnelle des appartenances, feuilleté de plusieurs niveaux d’étaticité. Le croisement de ces complexités est présenté comme un objet fractal, au sens où l’actualisation, par les acteurs, de ces distinctions fait advenir une circulation constante, fluidifiée et inventive entre les différentes échelles et les différents rythmes de référence et d’action. L’objectif du séminaire est donc de saisir les moments où un système complexe s’éprouve dans des situations précises. Il ambitionne de s’ouvrir vers une analyse comparée de ce qui noue ensemble le juridique, le spatial et le social et ainsi vers une lecture enrichie d’autres régions où, en apparence, on sait mieux ce que les notions d’« État », de « territoire » et d’« appartenance » veulent dire.
L’Europe en 1769
Après avoir développé des thèmes comme les frontières, le mouvement ou encore l’an dernier la prolifération des droits, des savoirs et des pratiques juridiques, le séminaire se donnera en effet pour objectif d’évaluer selon quels critères peut être appréhendée la « spécificité » du Saint-Empire, en évitant trois écueils auxquels s’est depuis longtemps heurtée la recherche sur l’Allemagne moderne : déclarer l’Empire incomparable, car trop particulier ; le tordre au contraire pour le ramener vers le modèle de l’État moderne ; construire enfin une échelle spécifique, celle de « l’étude comparée », découpant deux objets dont la dissection préempte le résultat de la comparaison. C’est au contraire dans la complexité du jeu d’échelles impérial que nous chercherons à ancrer le laboratoire comparatif, en réfléchissant par exemple à ce que des notions comme l’historiographie impériale, les monarchies composites ou l’absolutisme font au Saint-Empire, sans négliger les opérations de comparaison auxquelles se sont livrés les contemporains eux-mêmes.
Cette année, le séminaire aura lieu une semaine sur deux. Il comprendra également des lectures collectives de textes préparés à l’avance.